Le cours de danse
Dans ce cours de barres classiques il n’y a que des femmes, toutes avec des tenues professionnelles, même si elles sont amateurs. Moi j’arrive avec un vieux jogging. Je me rends compte que c’est très difficile, qu’il faut une discipline de fer, une rigueur absolue.
La fin de la première séance fut assez consternante pour les femmes présentes. Je suis exténué, j’ai découvert des muscles dont je n’imaginais pas l’existence. C’est un travail de rigueur, un apprentissage de la justesse du positionnement, de l’évolution du mouvement. Dans ce cours je me sens évidemment en infériorité, elles maîtrisent tout, le lexique, les pas…
Arrivent les étirements finaux. Les jambes écartées on essaie de se baisser le plus possible. Moi j’étais extrêmement souple, capable de faire le grand écart sans difficulté, tout seul, sans échauffement. Je fais ce qu’on me demande, les jambes s’écartent en grand écart et le buste se colle au sol. Ça s’appelle le grand écart facial. Quand j’étais petit, je faisais ça pour m’amuser. J’étais nul en sport, quel qu’il soit, mais j’excellais en gym. J’avais une flexibilité, une souplesse naturelle.
Tout le monde s’arrête et me regarde « comment fais-tu ça ? Moi ça fait dix ans que je travaille et je n’y arrive pas. Toi tu n’as jamais fait de danse et tu y parviens. » Les femmes réussissent en général le grand écart de côté, pas le facial. La professeure, impressionnée, commence à me manipuler comme si j’étais un objet. Elle me prend le pied, le tord dans un sens, dans l’autre. « Ça n’est pas possible ! », elle me tourne le genou, tire sur la jambe pour étirer le bassin. « Si je t’avais eu à 11 ans on faisait de toi un danseur étoile ! tu as le corps qui est fait pour la danse ! ton pied est en ligne droite totale avec ta jambe. Pour avoir ça les petites filles de 7 ans, à l’école, se calent les pieds sous les placards et dorment allongées dans cette position pour que leurs pieds en prennent la forme. J’en connais qui se battraient pour avoir des articulations comme les tiennes ! »
C’est un coup de massue pour moi ! À onze ans je rêvais de faire de la danse…
T.S.